« Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs: celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers. » Montesquieu
Expression du XVIIIe siècle, le crime de lèse-majesté s'employait strictement pour désigner un crime commis envers le monarque ou les symboles le représentant.
Le délit d’offense au président de la République est puni d’un emprisonnement et ou d’une amende. Les peines ne sont applicables cependant, qu’au président en exercice. Les anciens présidents ne sont pas concernés par cette loi. On parle d’offense quand les propos utilisés sont blessants, méprisants et portent aussi atteinte à la considération du président de la République. Ces propos peuvent être des propos concernant sa vie publique, privée et les actes passés. Pour que les propos soient catégorisés sous cette loi, il fait que le délit revêt un caractère intentionnel.
Le président de la République
Le statut du chef de l’Etat est un statut très particulier, il n’est pas un citoyen comme les autres donc dans ce cas, il ne peut pas jouir des mêmes droits que les autres citoyens. Il est très normal qu’il jouisse de plus de droits que nous, les citoyens ordinaires. Si vous êtes d’accord avec moi, donc il doit aussi jouir du droit d’être protégé contre les offenses, car il s’agit là d’une institution à protéger et non d’une personne.
Cependant, jusqu’à quel seuil peut-on critiquer les actions du président de la République ou la politique du Gouvernement sans être accusé d’offense ? Seul le juge dans son interprétation, peut en décider. C’est pour cette raison que le ministre de la Justice dit qu’il assume toute sa responsabilité face à « un individu qui par ses écrits, passe son temps à insulter celui qui incarne l’institution la plus sérieuse, la plus en vue. » Nous sommes parfaitement d’accord avec lui et il est dans son rôle. Il ajoute en disant que la Justice ne permettra à personne, peu importe son statut d’affaiblir ou de banaliser nos institutions, car cela ouvre la voie à la déstabilisation. Cependant, le délit d’offense au chef de l’Etat est en train d’être abrogé dans les grandes démocraties, car il incarne l’arbitraire royal et est aussi utilisé pour faire taire les opposants politiques. A quand l’abrogation au Sénégal ?
Institutions fortes ?
Nous devons rappeler que toutes les dictatures du monde ont eu à faire recours à leurs propres institutions. Ces institutions ont été fortes et c’est la raison pour laquelle les dictateurs ont pu asseoir leurs ambitions autoritaires. Je vais vous dire pourquoi il y a ce sentiment de dictature au Sénégal, et pourquoi la population ne fait plus confiance à la justice de son propre pays.
« Vous avez beaucoup d’enfants ! » Qui ne se rappelle pas de cette fameuse phrase du président turc, faisant référence au nombre de ministres ? Notons qu’au moment des faits, le gouvernement comptait au minimum 82 ministres pour moins de 16 millions d’habitants. Durant la campagne, Macky Sall nous avait promis 25 ministres et il n’a su maintenir cela que durant 6 mois. Si la population est révoltée et frustrée, il s’agit d’une accumulation de plusieurs facteurs. Cette frustration vient beaucoup plus de la Justice que de n’importe quel autre corps. Le sentiment d’injustice a souvent été la cause des révoltes dans les grandes nations et le Sénégal n’est pas à l’abri.
En 2011, Macky Sall disait que « le pouvoir judiciaire n’est pas toujours en mesure d’assurer pleinement ses missions avec impartialité et indépendance », la population est carrément tombée sous son charme. C’est cette perception de trahison qui révolte la population, car ce que Macky Sall disait en 2011 est devenu pire en 2019. Monsieur le Ministre de la Justice, vous rappeliez-vous en 2012 quand Macky Sall disait qu’il s’engage à « renforcer l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par sa composition, son organisation et par son fonctionnement » ? Votre prédécesseur nous avait dits que non, le président ne parle pas de se retirer, mais de prendre un peu de recul.