Les Mauritaniens connaissent leur nouveau président. Le Général Mohamed Ould Ghazouani a été élu au premier tour, avec un score de 52%. Il dame le pion à l’opposant Biram Dah Abeid qui a obtenu selon le Conseil constitutionnel 18% des suffrages exprimés. Des résultats que le candidat de l’IRA et trois de ses pairs de l’opposition ont rejetés non sans dénoncer des pratiques de fraude. Mais il semble que le vin est tiré. Le boire ne sera pas une simple affaire pour le successeur de Mohamed Ould Abdel Aziz qui hérite ainsi d’un pays plus que jamais divisé. En même temps, le nouvel homme fort de Nouakchott doit se départir d’un prédécesseur qui, malgré les apparences, ne semble pas prêt à lâcher le pouvoir. Le président du Sénégal a attendu la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel pour formuler des félicitations à l’endroit du nouveau chef de l’État mauritanien. Quelle lecture faut-il avoir de tous ces faits qui se sont succédé en Mauritanie ? Dakaractu a sollicité l’expertise du journaliste. Décryptage…
Dakaractu : Le Général Mohamed Ould Ghazouani a finalement remporté la présidentielle du 22 juin en Mauritanie, au Premier tour avec 52% des suffrages selon le Conseil constitutionnel. Peut-on parler d’une victoire à l’arrachée du dauphin de Mohamed Ould Abdel Aziz ?
Barka Ba : Il y a plusieurs lectures qu’on peut faire de cette victoire du général Ghazouani validée par le Conseil constitutionnel mauritanien. À partir du moment où cette présidentielle était organisée par son mentor, le Président Ould Abdel Aziz, il était difficilement envisageable que ce dernier qui, en choisissant comme dauphin un ami et un compagnon d’armes pour sécuriser ses arrières, ne prenne pas les dispositions nécessaires pour s’assurer une victoire, même à l’arrachée comme vous dites. Curieusement, c’est presque exactement avec le même score (52,47%), qu’Abdel Aziz avait remporté sa première élection en 2009. Très clairement, Ghazouani donc partait avec une longueur d’avance sur ses concurrents en terme de moyens et de soutiens. Et dans les dernières semaines de campagne, le Président Aziz lui-même s’est fortement impliqué dans cette élection, au point de donner même parfois l’impression de faire de l’ombre ou de gêner son dauphin. Et dans ses prises de postion, il avait d’emblée écarté l’hypothèse d’un second tour synonyme selon lui de « chaos ».
Ces résultats ont été contestés par quatre candidats de l’opposition qui dénoncent des pratiques de fraude au cours du scrutin. Pour vous qui étiez sur le terrain, est-ce justifié ou sont-ils tout simplement de mauvais perdants ?
Il est difficile de se prononcer sur cette question car en tant que journaliste, nous n’avons pu nous rendre que dans quelques bureaux de vote à Nouakchott et nous n’avons donc pas pu observer le déroulement des élections dans le reste de ce pays qui est immense. Mais un certain nombre de maladresses commises par le camp du pouvoir a pu donner du grain à moudre au camp de l’opposition. D’abord, une déclaration prématurée du général Ghazouani le soir du scrutin pour s’auto-proclamer vainqueur alors que la Ceni, seul organe habilité à le faire, n’avait pas fini de faire ses compilations. Ensuite, la composition de cette Ceni, elle-même, ainsi que sa capacité à se montrer à équidistance des candidats, ont été fortement décriées depuis le départ. Autant d’éléments qui ont pu conduire l’opposition à contester ces résultats.
L’un d’entre eux a marqué les esprits pendant la campagne. Biram Dah Abeid, s’est même vu au second tour avec le candidat du parti au pouvoir. N’était-ce pas pour lui une manière de mettre la pression sur la Ceni et le Conseil constitutionnel ?
C’est de bonne guerre qu’il ait cherché à mettre la pression sur la Ceni et le Conseil constitutionnel. Incontestablement, Biram Ould Dah Abeid est l’un des grands gagnants de ce scrutin. En se classant deuxième de cette présidentielle avec un score de 18%, il a frappé un très grand coup et comme vous dites, il a fortement marqué les esprits. Lors de la dernière présidentielle, il n’avait pu récolter que 8% des suffrages, donc le bond est spectaculaire. Quand on voit sa trajectoire, c’est proprement extraordinaire. Biram est quelqu’un de malin et de très structuré, qui sait tour à tour être populiste, menaçant ou conciliant, en fonction des circonstances. Il semble avoir bien étudié le champ politique mauritanien avant de tracer sa voie et a bénéficié largement au début de son entrée en politique de l’apport des réseaux de la diaspora constituée des membres des FLAM (Ndlr : Forces de Libération Africaines de la Mauritanie, opposition radicale) et de manière plus souterraine, un intellectuel de haut calibre comme Jamal Ould Yessa inspire une partie de son discours. En se faisant le champion de la cause des Haratines, les descendants d’esclaves, devenus une composante essentielle de la population mauritanienne pauvre, sous-éduquée e…