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Comment éviter la prochaine affaire Aliou Sall ? Douze prescriptions de gouvernance forte.

Comment éviter la prochaine affaire Aliou Sall ? Douze prescriptions de gouvernance forte.

Après une longue et incertaine quête le Sénégal a enfin trouvé des réserves de pétrole et de gaz  commercialement viables. Cette aubaine a fait naitre des espoirs de mieux- être chez les Sénégalais et des rêves de délivrance d’un pays pauvre jusque-là peu choyé par la nature. Les actes de politique  publique jusqu’ici posés par ce gouvernement (de même que le précèdent) et les récentes révélations de corruption rapportées par la presse nationale et internationale laisseraient plutôt à penser que ce  pays dans sa ruée vers l’or noir semble avoir pris un mauvais départ… Il incombera à la justice de tester  les allégations de corruption sans peur ni faveur. Il faut l’espérer et l’exiger au besoin.
Ces péripéties montrent en tout cas à foison l’urgence pour notre pays d’une gouvernance forte et  structurée – s’il veut remédier à ces errements et conjurer le fléau qui a frappé presque sans exception tous les pays pétroliers africains généralement décrits comme ‘ des pays riches à populations pauvres’.
De l‘Angola au Nigeria en passant par le Gabon, l’Angola le Congo Brazzaville, la Guinée Equatoriale, le  Tchad et le Ghana plus récemment pour ne citer que quelques-uns, aucun pays africain – a la différence des pays asiatiques bien connus – n’a à ce jour usé à bon escient de ces ressources d’hydrocarbures pour amorcer un processus transformationnel de développement. Au contraire les revenus du pétrole ont  presque toujours souffert d’une affectation opaque apportant son cortège d’anathèmes qui ont pour noms corruption, insurrections et destruction de l’environnement au profit d’entreprises multinationales ou d’aventuriers – comme Mr Timis – connectes à des élites locales hélas souvent occupées à leur propre devenir et très peu soucieux du quotidien de leurs concitoyens et de l’avenir de leur pays. Un tel scenario hélas si répandu sur le continent Africain n’est pas une fatalité. A condition que notre pays s’entoure de toutes les garanties de mitigation de ce risque. Ces garanties s’articulent autour de principes de gouvernance qui ont été testes à travers l’histoire des échecs et des réussites des expériences de gestion des hydrocarbures à l’échelle de l’Afrique et du monde. Voici quelques pistes de réflexion.

1. Définir une vision stratégique de politique publique des hydrocarbures déclinant clairement les objectifs de développement recherchés et les secteurs de priorité à cibler avec les revenus escomptés. Impliquer toutes les sensibilités politiques et la société civile permettra de dégager un consensus large et durable sur des objectifs à long terme.

2. Avoir une approche de communication claire quant a l’étendue des découvertes, du timing de leur exploitation et de leur monétisation aiderait à forger un climat de confiance nécessaire au débat public et à gérer les niveaux d’attente des populations.

3. Des questions essentielles quant aux types de modèles de gestion à retenir méritent encore d’être débattues. Petrosen sera-t-elle cantonnée à son rôle actuel de simple prise de participation minoritaire dans les partenariats ou évoluera-t-elle vers un rôle d’operateur aux cotées des autres exploitants ? Le Sénégal poursuivra-t-il une politique d’exportation et de maximisation des revenus ou au contraire optera-t-il pour la mise à disposition en partie à prix modérés de ses ressources a des acteurs locaux pour favoriser l’amorce d’une politique d’industrialisation avec des champions nationaux dans le secteur de l’énergie, du raffinage ou de la pétrochimie ?

4. Vers quels autres secteurs de l’économie réaffecter les revenus collectés afin de maintenir voire étendre sa diversification ? Quel schéma de répartition des recettes pétrolières sera retenu entre le gouvernement central et les collectivités locales ?

5. Comment délier cette stratégie nationale à long terme des cycles électoraux pour la rendre durable et consensuelle ?

6. Comment développer une politique opérationnelle structurée et transparente dans les domaines tels que l’attribution des contrats et licences, la fiscalité et la gestion des revenus pétroliers, les mesures de protection de l’environnement. Dans ce domaine il faudra bannir le gré à gré – maintenant que les réserves sont prouvées – dans l’octroi des contrats d’extraction et instituer un système d’appel d’offres public avec des critères de préqualification (qui aurait exclu des acteurs douteux tels Timis) et de sélection publiés incluant des clauses de divulgation de la propriété réelle, ce qui minimiserait les risques de conflits d’intérêts et de dissimulation dans les
procédures d’adjudication tout en maximisant les rendements financiers pour le Trésor. Tout comme il sera nécessaire d’inclure systématiquement des clauses de royalties dans les accords commerciaux comme moyen de pérenniser le flux de revenus directement liés à la production et non aux profits déclarés par les exploitants.

7. La nécessite de mettre à plat les engagements souscrits par le passé et réévaluer la justesse économique, financière et éthique des contrats existants qui doivent être publiés sans exception. Lorsque l’état décide de confier l’exploitation des ressources nationales a une compagnie privée les citoyens qui en sont les propriétaires ultimes ont le droit d’être informés des termes de ces accords, licences ou contrats. De plus en plus de pays pétroliers souscrivent à cette pratique (EITI) de transparence.

8. Gérer les revenus financiers. C’est assurément le domaine le plus délicat car nombre de pays africains ont échoué à convertir cette manne en une croissance durable et à tirer profit de cet afflux soudain de ressources financières. Le pétrole peut en effet générer des flux de revenus gigantesques mais volatiles dont les effets sur les prix (risques d’inflation) et sur la planification à long terme du fait des difficultés à anticiper les cycles ‘d’emballement – effondrement’ lies aux fluctuations de recettes, peuvent être extrêmement perturbateurs voire néfastes. Le Ghana a été récemment une illustration remarquée de ces effets pervers d’une aubaine financière suivie d’une contraction de recettes qui a mené à une crise d’endettement. Dès lors il sera primordial de veiller à gérer prudemment ces nouvelles recettes en préservant l’économie de potentiels chocs macroéconomiques du fait des effets de volatilité des cours et des marches. Au-delà de la mise en place d’un fonds souverain de stabilisation (des flux financiers) et d’épargne (pour les générations futures) il sera encore plus crucial de veiller à un aiguillage macroéconomique permettant à l’économie de conserver et d’étendre une base diversifiée de manière à limiter les effets pervers d’une extrême dépendance au pétrole. Cela dit ce risque est en soi limité au Sénégal par le caractère relativement modeste des réserves estimées jusqu’ici. Des pays comme le Nigeria, l’Angola et bien d’autres n’ont pas su s’en préserver au contraire de la Malaisie par exemple qui a profité de sa manne pétrolière pour bâtir ses infrastructures (transports, énergie, communications) soutenir /moderniser son agriculture, et diversifier sa base économique vers d’autres secteurs d’exportation. Ce fonds devra aussi obéir à des règles de fonctionnement et d’investissement claires concernant ses mécanismes de versement et de retrait qui pourraient être soumises à l’approbation du parlement comme c’est le cas en Norvège par exemple. Il devra également obéir aux dispositions règlementaires d’unicité de caisse budgétaire et ses actifs consolidés dans les livres du Trésor public de manière à assurer la traçabilité et latransparence de gestion nécessaire. Dans nombre de pays africains ou du Golfe les fonds souverains souvent fonctionnent comme un budget parallèle opaque a l’instar d’une énormecaisse noire. Cas extrême d’opacité ce…


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