Il y a « probablement une dizaine de Sénégalais en Nouvelle-Zélande » vivant sous le choc de l’attaque terroriste qui a fait 50 morts et une cinquantaine de blessés, selon Moustapha Barry, Sénégalais installé en Australie depuis une vingtaine d’années et collaborateur du « Soleil Diaspora ». Trois jours après, l’atmosphère est toujours pesante en Australie où vivent près d’un millier de Sénégalais et 600 000 musulmans soit près de 2,6% de la population.
Que pensent les Sénégalais et les musulmans qui vivent en Australie de l’attaque terroriste en Nouvelle-Zélande ?
C’est un choc qui a ébranlé la communauté musulmane en Australie et la petite communauté sénégalaise avec elle. Il y a deux heures de différence entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie. La Nouvelle-Zélande et l’Australie sont, non seulement, proches géographiquement mais aussi se ressemblent sociologiquement sur plusieurs points. L’attaque terroriste s’étant passée au moment de la prière du vendredi à Christchurch, il y avait la peur que des extrémistes blancs en Australie soient inspirés par cet acte pour faire la même chose dans une des mosquées. Nous sommes dans un contexte où les musulmans font, de plus en plus, l’objet de façon isolée, il est vrai, de stigmatisation et de marginalisation en Australie. Les Sénégalais et les musulmans en Australie ont de sérieuses inquiétudes de vivre la même chose que ce qui vient de se passer en Nouvelle-Zélande voisine. En Australie, les suprémacistes blancs se font de plus en plus visibles. Il y a quelques mois, des centaines d’extrémistes blancs avaient organisé une manifestation anti-musulmane dans les centres-villes de Sydney et Melbourne où ils ont dû faire face à une contre-manifestation anti-raciste. Il y a de la tension et de l’inquiétude dans l’air. Ces trois dernières années, l’Australie a connu des actes de terrorisme d’inspiration Jihadiste isolés qui ont entrainés près d’une dizaine de victimes au total. Il y a des inquiétudes que cette attaque terroriste en Nouvelle-Zélande soit le catalyseur d’actes insensés des deux côtés.
Quelle est la cause de cette montée des actes anti-musulmans dans cette partie du monde ?
C’est l’atmosphère générale dans le monde. Après les attentats du 11 Septembre 2001, puis les guerres en Iraq et en Syrie, il y a eu en Australie des actes isolés d’inspiration Jihadistes perpétrés par des musulmans australiens. Cela a contribué à braquer les nationalistes australiens, puis les extrémistes blancs. Mais il y a aussi et surtout la façon dont les médias de masse transmettent les actes de violence causés par des musulmans ou soupçonnés d’être causés par des musulmans dans le monde: le discours est toujours orienté dans le sens d’une piste terroriste, surtout si la personne ou les personnes impliquées ont une connexion quelconque avec l’Islam.
Au quotidien, avez-vous des remarques racistes et/ou agressives sur votre identité de « migrants » ou de musulmans ?
Non. Nous n’en sommes, quand même, pas encore à ce stade. Il n’y a pas ce genre de situation en général même si des cas très isolés de femmes en burqa font l’objet de réactions négatives. Mais il n y a pas des actes répandus d’antagonismes vis-à-vis de musulmans ou de migrants. Cependant, quelques voix dans le Sénat australien se font souvent entendre en train d’indexer les musulmans et la religion musulmane qu’ils accusent d’être à l’origine de toutes les violences, y compris de ce qui vient de se passer à Christchurch. La presse, en général, ne rate jamais une occasion aussi pour indexer les musulmans dès qu’une opportunité se présente. C’est une tragédie similaire qui risque de nous (Sénégalais et musulmans en Australie, Ndlr) arriver tôt ou tard au vu de toute cette atmosphère, si l’on n’en prend garde. Mais il faut, cependant, signaler que depuis l’attaque terroriste en Nouvelle-Zélande, la classe politique dans son écrasante majorité, y compris le gouvernement et l’opposition, s’est élevée contre cet acte inique que beaucoup ont qualifié d’actes terroristes insensés. Partout à travers le pays, des citoyens australiens visitent des mosquées, témoignent leur solidarité aux musulmans mais aussi se démarquent de cet acte perpétré par un homme d’origine australienne vivant en Nouvelle-Zélande. Cet attentat dont l’objectif avoué est de diviser la société et d’isoler une frange de la population, est en train de produire l’effet contraire au vu de l’élan de solidarité noté jusque-là.
SOLEIL Propos recueillis par Moussa DIOP
Mali: 21 militaires maliens tués dans l’attaque du camp de Dioura
Laisser un commentaire