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Ce que nous attendons (encore) du futur Président de la République, s’il n’est pas le président sortant. (Par Mody Niang)

Ce que nous attendons (encore) du futur Président de la République, s’il n’est pas le président sortant. (Par Mody Niang)

Nous sommes en plein dans la campagne pour l’élection présidentielle du 19 février 2019. Les cinq candidats font le tour du pays, chacun à sa manière, pour conquérir l’électorat. Les candidats de l’opposition font des promesses, prennent des engagements. Le candidat sortant se distingue particulièrement sur ce terrain. Mais cette fois, il se garde de promettre des réformes et plaide pour la continuité, son bilan en bandoulière. Ce bilan est malheureusement loin de nos attentes, même si nous ne pouvons pas l’ignorer. Nous l’apprécions la terre froide, par rapport à un certain nombre de paramètres que nous avons passés en revue dans nombre de nos contributions. Matériel comme moral, ce bilan nous laisse sur notre faim, celle de changements et de ruptures profondes dans la gouvernance de notre pays que nous attendons depuis 58 ans. Nous n’avons pas fait qu’attendre : nous y avons travaillé du mieux que nous avons pu, et pendant de longues années, pour enfin réussir deux alternances par les urnes, le 19 mars 2000 et le 25 mars 2012. Malheureusement, l’une comme l’autre ont été de grosses déceptions, ayant reconduit pratiquement le même système, avec les mêmes hommes et les femmes qui pillent le pays depuis mars 1963.
Les Sénégalaises et les Sénégalais oubliant très vite, je leur rappelle les premiers engagements solennels du vieux président prédateur et de son successeur et sosie. Dans son discours à la Nation du 3 avril 2000, le vieux président-politicien déclarait sans ambages : « J’ai indiqué à chaque ministre ce que j’attends concrètement de lui. Je veux que le nouveau régime soit différent de celui de l’ancien régime qui est était celui des improvisations et des approximations. Je leur ai tout aussi dit que je veux un gouvernement de ministres vertueux qui mettent en avant l’intérêt de la nation. Je ne saurais tolérer les pratiques de commissions plus ou moins occultes de corruption ou de concussion sous quelque forme que ce soit. Je veux que soient bannies de l’espace sénégalais ces pratiques qui, dans ma pensée, appartiennent désormais au passé. » Avec la même verve qu’on lui connaît, il mettait en exergue « sa volonté de se battre pour l’instauration de politiques vertueuses, la réduction des délais et la simplification des procédures ». Le vieux président-politicien ne s’arrêta pas en si bon chemin. Présidant la première session ordinaire de l’année 2000 du Conseil économique et social (encore en vie à ce moment-là), il insista sur la nécessité « d’identifier et de supprimer tous les surcoûts qui font fuir les investisseurs », non sans annoncer « l’adoption toute prochaine d’un nouveau code des marchés publics » et réaffirmer l’objectif de « lutter sans merci contre la corruption qu’il a assigné au gouvernement ».
Je pourrais bien m’arrêter à ces seules déclarations, mais la tentation est forte et je vais terminer par une toute dernière qui, comme les précédentes, rassurait ce qu’on appelait alors « le peuple de l’alternance » et jetait l’effroi dans les rangs des pauvres Socialistes. Profitant d’une réunion du bureau politique du PDS tenue au Centre international pour le commerce extérieur (CICES) le samedi 24 février 2001 et, devant une assistance chauffée à blanc et qui applaudissait à tout rompre, le nouveau Chef de l’Etat y révéla une autre volonté, celle de « signer un contrat avec une société privée suisse qui sera chargée de la vérification et du contrôle de la comptabilité nationale ». Et ce n’était pas tout. Il poursuivit : « J’ai pris moi-même cet engagement et j’ai demandé à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI) d’en faire de même, car je veux que le Sénégal soit une maison de verre, une maison transparente dans laquelle les programmes seront suivis jour et nuit et j’enverrai la situation économique et financière mensuellement à tous nos partenaires. » Ëskëy !
Le lecteur comprendra que je ne m’attarde pas sur ce que sont devenus ces engagements pris dans des circonstances solennelles. J’ai consacré quatre livres et bien plus de cent contributions à la longue gouvernance du vieux président prédateur, qui est une succession de graves forfaits, dont le moins grave le conduirait en prison dans toute grande démocratie. Les délits qui ont valu à Richard Nixon sa destitution en 1974 et à l’ancien président brésilien Luis Inacio Lula da Silva sa condamnation à neuf ans et six mois de prison (avril 2018) sont sûrement moins graves que le détournement des quinze millions de dollars de fonds taïwanais, la rocambolesque rénovation de l’avion de commandement ‘’La Pointe de Sangomar’’, l’iniquité avec laquelle il a géré nos maigres réserves foncières, et ce ténébreux ‘’Protocole de Reubeuss’’ que nos autorités refusent obstinément d’éclaircir. Notre pays étant ce qu’il est, celui de tous les possibles, le vieux prédateur âgé aujourd’hui de plus de 94 ans y est pourtant reçu comme un héros et pèse encore lourdement dans un événement aussi important que la prochaine élection présidentielle, sept ans après son départ du pouvoir.
La deuxième alternance qui a porté au pouvoir le président-politicien Jr est aussi décevante, peut-être plus décevante encore. Ce dernier boucle ses sept ans de gouvernance et sollicite un second mandat après avoir, comme son vieux prédécesseur, renié tous ses engagements et terriblement dégradé toutes  nos valeurs de référence. Avec lui aussi, nous refusons d’être amnésiques et nous rappelons encore comme si c’était hier son premier message à la Nation le 2 avril 2012. Il y affirmait notamment :
a) – « S’agissant de la gouvernance économique, je serai toujours guidé par le souci de transparence et de responsabilité dans la gestion vertueuse des affaires publiques. Je mets à ma charge l’obligation de dresser les comptes de la Nation et d’éclairer l’opinion sur l’état des lieux.
 
b) – Je compte restituer aux organes de vérification et de contrôle de l’État la plénitude de leurs attributions. Dans le même sens, l’assainissement de l’environnement des affaires et la lutte contre la corruption et la concussion me tiennent particulièrement à cœur.
 
c) – À tous ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers public, je tiens à préciser que je ne protégerai personne. Je dis bien personne !
Et il engageait fermement le Gouvernement « à ne point déroger à cette règle ».
Des engagements, il en a pris de très nombreux autres. Il en a été ainsi de celui à réduire la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans et à se l’appliquer, de la primauté de la Patrie sur le parti, de la Traque des biens dits mal acquis, de sa ‘’ferme’’ décision de ne jamais prendre un décret pour nommer son frère bien aimé à un poste de responsabilité, etc. Tous ces engagements se sont volatilisés et sa gouvernance est tout sauf ce qu’il avait promis. Nous serions donc vraiment amnésiques, vraiment naïfs d’attendre encore  quelque rupture que ce soit de ce politicien pur et dur. D’ailleurs, il ne s’aventure même plus dans ce domaine devenu pour lui désormais tabou, et s’accroche de toutes ses forces à son tonitruant bilan agrémenté (encore) de promesses et d’engagements. Oui, il a eu le courage d’en faire et d’en prendre bien de nouveaux. Qui va vraiment le croire ? Allons-nous commettre une seconde erreur qui nous sera fatale, en le réélisant sur la base de ce seul tonitruant bilan, se résumant en des infrastructures fortement surfacturées, destinées bien plus à frapper l’imagination de nos pauvres populations, qu’à développer harmonieusement le pays ? Nous aurons la réponse à cette question au soir du 24 février 2019. J’espère de tout cœur qu’elle sera négative. Si c’était vraiment le cas, nous aurions alors choisi d’élire un des quatre candidats de l’opposition.
Notre rêve d’une gouvernance vraiment sobre, vertueuse, transparente, efficiente, au service exclusif du peuple, donc de profonde…


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