Les religieux peinent encore à s’entendre sur l’opportunité du vote d’une loi en faveur de l’avortement médicalisé. Chacun tire de son côté pour justifier sa position. Les députés se sont voulus ferme dans leur refus d’aller dans le sens souhaité. Certains sont hésitants, au moment où l’Exécutif dit attendre que la Société civile fasse le plaidoyer avant de s’y prononcer. Mais, Me Ibrahima Mbengue, avocat à la cour, trouve que la question n’est pas si simple. Car, si la loi est votée, son application pourrait poser problème.
Plus d’uns croiraient, après avoir lu l’histoire qui suit, que c’est une fiction inventée de toute pièce. Mais, ce qu’a vécu la petite Fatou (9 ans) est resté à jamais gravé dans les mémoires de ses proches. Insouciante, elle l’a été jusqu’au jour où un homme âgé de 52 ans a abusé sexuellement d’elle. C’était un ‘’marabout’’. Suite à son viol, la gamine s’est retrouvée enceinte. Après avoir souffert avec la grossesse, elle a fini par mettre au monde un enfant, grâce à une Césarienne. Mais, elle en mourut au bout de 6 mois. L’auteur a écopé de 10 ans d’emprisonnement ferme. La petite Fatou morte, son enfant a été placé dans une institution. Cela aurait pu servir de clap de fin, dans un scénario. Mais elle est une réalité. Une réalité qui remet sur la table le débat sur l’avortement médicalisé lancé depuis plusieurs années, au Sénégal. Une question qui tarde encore à être tranchée.
A quelques jours du démarrage de la campagne présidentielle 2019, la société civile a les yeux rivés sur les candidats. Au même moment, des femmes ayant contracté des grossesses non-désirée/hors mariage, continuent de porter leur choix sur la commission de l’irréparable au lieu d’affronter le jugement des proches.
C’est le cas pour Thérèse, une jeune femme d’une vingtaine d’année. Fille cadette d’un policier aujourd’hui, à la retraire, elle a caché sa grossesse. Au lieu d’assumer sa situation de fille-mère, aux côtés de ses parents, elle a préféré jeter son bébé dans le camion de ramassage des ordures. Son acte commis au cours du mois de novembre dernier, alors que toutes les attentions étaient tournées vers le Gamou 2018, n’a pas échappé aux voisins qui commentent encore cet acte criminel en sourdine.
Marie, une jeune divorcée, est de celles-là qui ont avorté. Mère d’un petit garçon né de son mariage, elle avait contracté une grossesse après un flirt poussé avec son amant. « Je suis enceinte. Mais, je préfère mourir plutôt que de porter cette grossesse », a-t-elle confié.
Cette grossesse n’a pas dépassé les 6 semaines. La consommation d’un mélange de produits lui a permis d’avorter. Si elle a eu la chance de s’en sortir vivant, combien de ses semblables ont perdu la vie en tentant d’avorter clandestinement ? Difficile de donner le nombre. Voilà pourquoi, devant la montée en puissance du nombre de grossesses non désirées, d’infanticides et d’avortements clandestins, des structures ont initié un plaidoyer pour pousser le législateur à légaliser l’avortement médicalisé. Le draft d’un projet de loi allant dans ce sens avait été déposé au ministère de la Justice. A terme, encadrée, cette loi adoptée ne devrait profiter qu’aux femmes victimes de viol ou d’inceste suivi de grossesse et celles dont l’état de santé est menacé par leur état, disent-elles.
L’Association des juristes sénégalaises (Ajs), une des principales structures qui se sont illustrées dans ce combat, porte le plaidoyer contre vents et marées. Ces acteurs légitiment leur combat par le fait que le Sénégal a, depuis 2004, ratifié le Protocole de Maputo. Lequel impose aux Etats signataires de garantir le droit à l’avortement médicalisé en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la santé de la femme enceinte.
1 776 cas de viols dont 516 cas d’inceste en 6 mois courant 2016
Cependant, malgré le caractère répressif de la loi pénale qui range cette pratique dans le lot des infractions graves, l’avortement se fait encore. Pour convaincre le législateur de la nécessité de légaliser la pratique, l’Ajs avait révélé les chiffres effroyables et ahurissants des viols et incestes recensés, entre janvier et juin 2016. Soit 6 mois au cours desquels plus de 1 776 cas de viols ont été enregistrés dont 516 cas d’inceste.
Mais, auparavant, assurant le lead dans ce combat, l’Ajs a justifie son combat par une volonté d’éviter que des femmes continuent de perdre la vie au cours/suite à des avortements clandestins et s’activer pour que ces femmes-là qui sont victimes de viol ou d’inceste suivi de grossesse et celles dont l’état de santé est menacé par l’enfant qu’elles portent puissent avoir une solution légale dans les premiers 3 mois »
« Chaque jour, sont enregistrés des cas de viol et d’infanticide de femmes victimes d’agressions sexuelles qui n’avaient pas eu de possibilité d’avorter. Il y a eu une fille violée par son oncle, mais elle ne supportait pas la grossesse. Et comme il n’y avait eu aucune possibilité pour interrompre cette grossesse, elle a été obligée de la garder jusqu’à terme. Mais, c’est lors de l’accouchement qu’elle a perdu la vie », s’indigne-t-on du côté de l’Ajs.
Prenant en compte le drame de ces victimes, l’Imam Moussé Fall, coordonnateur adjoint du Réseau islam et population, a soutenu le projet, sous réserve, bien sûr. « Il faut comprendre qu’on est dans un pays constitué de près de 90% de musulmans. Quand on parle d’avortement, sans pour autant y apposer l’attribut ‘’médicalisé’’ ou ‘’clandestin », il y a toujours des interprétations autour de ce concept. Raison pour laquelle, nous militons en faveur de l’avortement médicalisé sous quelques formes. Nous savons que la source primaire chez le musulman c’est le Coran et les Hadiths du Prophète (Psl). Donc, le musulman doit se référer à ces référentiels. D’abord, il faut dire que l’islam est contre l’avortement en tant que tel. Parce qu’avorter de manière provoquée sans aucune raison valable équivaut à un infanticide. Ça, il faut oser le dire ! Allah (Swt) nous a clairement dit de ne pas tuer une personne. Sauf s’il y a la Loi du talion », a confié l’imam Fall à Dakaractu.
« Les contraintes absolues annulent les interdits »
L’Imam Râtib de la Mosquée de Sacré-Cœur 3 ajoute : « L’islam peut être d’accord sur certaines formes d’avortement. La façon de pratiquer cet avortement, c’est une chose à revoir. En plus de cela, il y a ce qu’on appelle les contraintes valables. C’est-à-dire une femme qui tombe enceinte et à qui on dit que si sa grossesse progresse, sa vie est menacée. Là, il y a une loi implacable en islam qui dit que « les contraintes absolues annulent les interdits ». Je répète que l’avortement est interdit. Mais, si la vie de la femme enceinte est menacée, ce qui est plus sûr, c’est d’arrêter le processus de cette grossesse au lieu de laisser celle-ci s’acheminer vers sa disparition », enseigne-t-il.
« Le second cas, dit-il, c’est le viol et l’inceste suivi de grossesse. La femme qui tombe enceinte suite à une agression sexuelle, n’a pas été consentante. Elle l’a juste subie. Donc, à partir de cela, les oulémas sont d’accord qu’il faut interroger la femme. Si elle veut garder la grossesse, on ne l’élimine pas. Si, toutefois, c’est quelque chose qui pose problème, on peut tenter d’éliminer cette grossesse. Mais à quel niveau ? Le problème se pose au niveau de l’expiration de la validité du processus permettant d’éliminer la grossesse. Pour cela, nous nous basons sur un verset coranique.
C’est la Sourate Mu’minûn (Les Croyants) où Allah (Swt) nou…