Depuis ce 25 janvier 1980 à aujourd’hui, la communauté musulmane n’a eu de cesse de rendre hommage à une grande figure religieuse de l’Islam ouest-africaine et particulièrement du Sénégal. C’est Thierno Seydou Nourou Tall, petit-fils d’ El Hadji Omar Foutiyou Tall qui repose à son mausolée qui fait face à l’océan atlantique. Des délégations venues de toutes les régions du Sénégal convergent depuis hier, vendredi 25 janvier, dans son mausolée de la Mosquée omarienne à Dakar pour la Grande Ziarra qui lui sera dédiée à côté de ses successeurs Thierno Mountaga et Thierno Abibou Tall.
       GUIDE ET COMBATTANT DE LA FOI DANS L’ESPACE SOUDANO-SAHELIEN :  El Hadji Omar Tall, une lumière au service de l’Islam
       
       
       
S’il faut désigner une figure qui a contribué à la propagation et à la consolidation de l’Islam au Sénégal, les regards se tourneront sans doute sur Cheikh El Hadji Omar Tall. Serigne Babacar Sy dans un de ses hommages au Saint homme ne s’est pas trompé en le qualifiant «Abou Dini wa Taqwa» (Père en religion et modèle de piété) pour magnifier le rôle joué dans la consolidation de la l’Islam et la propagation de la confrérie Tidjane au Sénégal et dans les contrées soudano-sahéliennes. Son père, Thierno Saïdou Tall et sa mère Adama Aysé Thiam ont donné naissance à dix enfants dont Omar qui était le dernier. Et c’est pour cette raison qu’il est aujourd’hui surnommé «Kodda Adama Aysé», le dernier né d’Adama Aysé. Après ses humanités coraniques, c’est à Oulata que le jeune Omar s’est rendu pour poursuivre ses études théologiques auprès de savants maures du Tagant puis à Pire où, raconte-t-on, son père étudia. Il rejoignit ensuite Cheikh Abdou Karim Diallo, au Fouta Djallo, et c’est là qu’il reçut son initiation à la voie Tijania. Ce même Abou Karim fut initié par Maouloul Fall de Chinguitti, lequel fut initié par Mouhamed El Hafiz, désigné par Cheikh Ahmad At Tijane, khalif pour la Mauritanie. Cette chaîne d’initiation est confirmée par El Hadji Omar dans son célèbre ouvrage «Rimah».
Lors du pèlerinage effectué à La Mecque en 1827, la rencontre avec Cheikh Muhammed El Ghali, un des disciples directs du fondateur de la Tijaniyya avait donné une nouvelle orientation au natif d’Alwar au Fouta. Ce pèlerinage restera ainsi un événement capital dans la vie d’Al Foutiyou puisqu’il est désigné khalif Tidjani par le Cheikh Mouhammad Al Ghali lui-même Khalif pour les pays d’Orient, résidant aux Lieux Saints de l’Islam. Impressionné par les qualités intellectuelles, spirituelles et la probité ce dernier l’initia à la tijania et lui confié la mission de propager l’ordre dans la partie Soudano sahélienne. Comme le note Samba Dieng, lors du colloque dédié à El Hadji Malick Sy, El Hadji Omar avait mentionné dans « Rimah » le texte de l’autorisation spéciale que lui donna le Cheikh Mouhamed Al Ghali, qu’il a rencontré à La Mecque. « Je me soumis entièrement à lui, je restai trois ans à son service confirmant ainsi mon initiation. Il m’apprit le Zikr nécessaire, m’installa dans la chaîne des adeptes de la Tarikha et ne cessa de m’initier à des Zikr, et de m’aider spirituellement. J’acquis des lumières grâce à lui en toute conformité aux lois formelles et substantielles», relève-t-il du professeur Khadim Mbacké, dans l’ouvrage qu’il a écrit sur les confréries au Sénégal.
En revenant de La Mecque, El Hadji Omar avait ainsi passé par le Bornou jusqu’au moment où un conflit l’opposa au sultan qui faillit entraîner son assassinat. Cela l’obligera à se réfugier au Nigeria auprès d’Ahmed Bello, fils d’Ousmane Dan Fodio. Il épousa sa fille et quitte le Nigeria. En 1838, El Hadji Omar songe à se rapprocher de son pays, et entreprend un long voyage qui le mène au Fouta Djallo, et sur le chemin de retour, il est reçu par Sekou Ahmadou émir du Macina. Il séjourne huit mois à Hamdallahi ou naquit son fils Habibou. Il se rendit ensuite tour à tour à Ségou, fonde une zawiya et se fait de nombreux adeptes. Il prêcha la guerre sainte (Jihad) et unifie entre 1852 et 1864 le Soudan sénégalo-Nigérien en un puissant empire avait posé une farouche résistance à la présence française. Il quitta en 1842 pour retourner dans son Fouta natal à Halwar. Mais il devra retourner à l’Est en traversant le Fouta et poursuivra ses activités du Jihad. Il séjourne dans de nombreuses localités dont Dinguiraye. Lors de son second voyage au Fouta Toro, El Hadji Omar oblige les familles toucouleurs à le suivre, pour venir peupler le Kaarta au Mali.
THIERNO SEYDOU NOUROU TALL : L’emblématique garant de l’héritage omarien
Il y a 39 ans, le 25 janvier 1980, El hadji Seydou Nourou Tall, petitfils d’El Hadji Omar Tall, s’éteignait à Dakar et fut accompagné par des milliers de Dakarois et de Sénégalais pour un repos éternel. La communauté musulmane et des fidèles de El Hadji Omar Tall se sont encore donné rendezvous hier, vendredi, pour rendre hommage à cette figure emblématique qui a marqué l’Islam et les générations de Sénégalais. Eminemment intelligent, le fils de Nourou Tall termina très rapidement ses études coraniques. Il partit vers l’ouest à la recherche de la baraka et des secrets de la Tijania. Il séjourna d’abord à Kayes auprès de Mohamed El Mokhtar qui avait recueilli l’enseignement de Cheikhou Omar Tall. Il poursuivit ensuite sa route vers l’Ouest et s’arrête à Boghé chez Thierno Moctar Sakho dont l’enseignement était suivi par des étudiants qui venaient de partout. Après Bogué, Seydou Nourou Tall poursuit son chemin jusqu’à SaintLouis où il rencontra vers 1895 El Hadji Malick Sy, grande figure de la Tijania et très réputé dans les milieux des lettrés d’alors.
S’ensuivirent, précisera Aly Codou Niang dans son mémoire de maitrise d’histoire soutenu en 1988, des relations entre les deux hommes, relations scellées sur la base d’un échange réciproque de services, allant de la protection des adeptes de la religion à la propagande de la doctrine Tijane. Ainsi, hormis l’aspect mystique, les branches Sy et Tall entretiennent des relations très étroites qui se prolongeront sous les Khalifa de Serigne Babacar Sy, Serigne Abdoul Aziz Sy et tous les khalifs de Maodo Malick Sy. Très rapidement, une sympathie s’établit entre les deux hommes. Ayant reçu son « Idjaza » (diplôme ou parchemin de capacitation) de son maître spirituel, Seydil Hadji Malick Sy (Rta), il devient l’homme de confiance dont il finit par épouser une de ses filles. Il deviendra son « chargé de mission » auprès des autorités coloniales de l’époque et celui qui veillera à la sauvegarde de l’héritage omarien qui est la Tijania. El Hadji Malick l’installa à Dakar comme son représentant (moukhadam). Seydou Nourou a ainsi entrepris la réorganisation des familles Tall. Thierno Omar Tall, petit frère de Thierno Mountagha Tall et installé à Boghé (Mauritanie), Thierno Ady Amadou Mountaga à Nioro (Mali), Thierno Madani de Ségou au Mali. Tout comme Thierno Mountagha Daha, père de l’actuel khalife de la famille, Thierno Bachirou Tall, qui avait institué une branche de la famille Tall à Louga. Ses voyages effectués dans les territoires de l’ex-Afrique occidentale française ( Aof) ont sans doute contribué à la notoriété et l’admiration. L’administration coloniale comme les autorités étatiques du Sénégal après les indépendances ont fait de lui un des interlocuteurs privilégiés auprès des populations. L’une de ses grandes réussites aura certainement été d’avoir la constitution d’une branche d’obédience omarienne. Les contrées les plus éloignées furent attestées. Hassimou Tall en Arabie Saoudite, Bachir Tall au Soudan, Ahmadou Cheikhou à Sokoto sans compter d’autres figures exilées. Comme le rappelle écrit par le professeur Omar Kane de l’Université de Dakar, « Thierno Seydou Nourou reste un grand Africain, un modèle de l’antique sagesse africaine ».
THIERNO MOUNTAGA TALL (1914-2007) : L’engagement pour le patrimoine omarien
Le jeune Mountaga Tall a passé son enfance dans deux localités de part et d’autre du fleuve Sénégal en faisant notamment ses humanités coraniques dans la ville mauritanienne de Boghé, chez un érudit du nom de Thierno Abda Dia. Il a poursuivi sa formation auprès de Thierno Hamidou Sy à Diatar, de Mouhamadou Zein Eddine Ba à Pathé Gallo mais aussi de son dernier maître et oncle Thierno Seydou Nourou Tall, qui régna pendant plus d’un demi-siècle sur la famille d’El Hadji Omar. Thierno Mountaga prend la succession. Attaché au Soufisme, Mountaga Tall garda une influence incontestable chez les fidèles. Durant son khalifat, il s’est engagé lors des évènements sénégalo-mauritaniens de 1989 en prenant faits et causes pour les nombreux sénégalais victimes du conflit. En 1994, il a aussi obtenu le rapatriement de France du fond bibliothécaire d’El Hadji Omar comprenant 518 livres, réquisitionnés par le Général Louis Archinard, un des principaux artisans de l’établissement de la France au Soudan (actuel Mali). Mais aussi, en 1995, du rapatriement des cendres de son oncle, le lieutenant Abdoulaye Tall, décédé à Paris le 29 mars 1891 et qui fut le premier africain à avoir fréquenté l’école militaire de Saint-Cyr. Il s’est aussi illustré par ses positions dans le débat sur certaines questions comme l’excision, ou encore l’intermédiation et la libération d’hommes politiques tels Abdourahim Agne, Jean Paul Dias, et plus récemment Thierno Mountaga est également l’auteur d’un livre de deux tomes sur son grand père El Hadji Omar Tall.
THIERNO HABIBOU DAHA TALL (1918-2008) : Un chantre du dialogue interconfessionnel
Suite à l’intronisation de Thierno Hady Tall de Nioro (Mali) khalife de toute la famille omarienne et son rappel à Dieu un 11 février 2007, les charges du Khalifa d’El Hadji Omar Tall ont été confiées à Thierno Habibou Tall. Il était, ainsi, devenu le trait d’union entre les deux communautés. Thierno Habibou est né en 1918 à Gouye Mbath, à quelques kilomètres de Louga. Il fit ses humanités coraniques à Diourbel auprès de Cheikh Aw. Très proche de Thierno Seydou Nourou Tall, ce dernier était reconnu comme un trait d’union et le symbole des bonnes relations entre différentes confessions religieuses. C’est lui qui avait prédit publiquement que l’archevêque de Dakar allait devenir Cardinal et il n’hésitait point à faire le déplacement lors des grandes fêtes catholiques comme la Pentecôte. Il est rappelé à Dieu le 14 avril 2008, à l’âge de 90 ans. C’est Thierno Bachir Tall qui lui a succédé comme khalif de El Hadji Omar.
HERITAGE DE LA TIJANIA ET EL HADJI OMAR : El Hadji Malick Sy, le fils spirituel
       El Hadji Malick Sy est sans doute l’un des exemples les plus achevés de l’héritage de Cheikh El Hadji Omar Tall dans le vaste mouvement qu’il a entrepris pour la diffusion de l’Islam et surtout de la transmission de la voie et des attributs de la Tarikha de Cheikh Ahmed Tijani. Outre ses activités guerrières, Cheikhou Omar Tall est celui qui donna une impulsion à cet ordre mystique qui a pris racine en Algérie et au Maroc, la Tijania avant de se répandre en Mauritanie et dans la zone soudanosahelienne notamment le Mali et le Sénégal. Les sources rapportent à ce propos que Cheikhou Oumar reçut le rang de khalifat de Mohamed El Ghali sur, relève-t-on, injonction du Prophète Mohamed (PSL). Cheikh Oumar renouvela les termes de son affiliation à son hôte Alpha Mayoro, oncle maternelle de El Hadji Malick Sy. Venu de Gaya, il fera partie d’une délégation à rendre une «ziarra» (visite pieuse) à Cheikhou Oumar en escale dans la localité de Oréfondé dans le Fouta. Cheikhou Oumar suggéra à Alpha Mayoro de transmettre le «wird » l’ordre ainsi que le « Idjaza », à l’enfant de Fawade Wélé, prédisant que celui-ci se charger d’implanter et de propager largement l’ordre Tijani au Sénégal. Dans le préface à son ouvrage « Ifham al Munkir » (Réduction du négateur du Silence), Seydi El hadji Malick Sy, rappelle cet héritage reçu à l’âge de 18 ans (ceratins parlent de 9 ans, d’autres de 14 ans), mentionne son maître El Hadji Omar Foutiyou et de tous ses maitres en mystique et jusqu’au Cheikh Ahmed At Tijani.
       
       
       
SudOnLine Omar DIAW