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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ENFREINT LA LOI

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ENFREINT LA LOI

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » La Fontaine – Les animaux malades de la peste.

 
En matière électorale au Sénégal, les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Il revient pour ainsi dire à ce petit royaume de sentiments, sept personnes minutieusement choisies par les soins du Président de la République et de son affidé, la lourde charge de préserver l’Intégrité Electorale. C’est-à-dire la possibilité pour l’électeur Sénégalais de participer à des élections honnêtes. Dès le départ on sent donc qu’il y a bien quelque chose qui ne va pas. Mais avant tout, parlons précisément d’intégrité électorale.
 
INTEGRITE ELECTORALE. La notion alimente le débat scientifique dans le monde de la pensée politique. Aux Nations Unies en 2012, elle a fait l’objet d’un rapport de la Commission Mondiale sur les Elections, la Démocratie et la Sécurité. Dans ses acceptions les plus courantes, l’intégrité électorale correspond à « l’incorruptibilité ou une adhésion stricte à un code de valeurs morales » ; à « l’état de ce qui est sain, [et] qui n’a subi aucune altération » ; à « l’état de ce qui est complet, [et] qui a toutes ses parties ». Mais la définition la plus efficiente à mon sens est celle des auteurs du rapport précité selon qui l’intégrité électorale représente « toute élection reposant sur les principes démocratiques de suffrage universel et d’égalité politique tels qu’ils figurent dans les normes et accords internationaux, et menée de façon professionnelle, impartiale et transparente dans sa préparation et dans sa gestion, tout au long du cycle électoral ». On peut dès lors légitimement nous demander si le Sénégal s’achemine vers des élections intègres au sens où la rigueur et les pratiques éthiques sont appliquées tout au long du processus électoral, et pas uniquement le jour du scrutin ?
 
Que Non ! Au moins pour quatre raisons.
 
SCRUTINS IRREGULIERS. Constatons en premier lieu que d’innombrables irrégularités de nature à influer sur l’issue du vote ont entaché toutes les élections organisées par le régime en place. D’abord, peu de temps avant les élections municipales du 29 juin 2014, le régime met précipitamment en place l’acte III de la décentralisation, réorganisant ainsi les territoires de manière à en tirer un profit électorale. La Loi N° 2010-11 du 28 mai 2010 instituant la parité absolue Homme-Femme dans les instances électives et semi-électives a été mise à rude épreuve et a fini par être transgressée. A Podor, nous assistons à un feuilleton juridico-politique tant le régime en place veut passer en force pour permettre à son principal allié, le Parti Socialiste, de se défaire de la dissidence grandissante en son sein. Dans son rapport Final sur l’observation desdites élections, la RADDHO pointe des irrégularités dans 2404 bureaux de vote à travers le pays.
Ensuite à quelques encablures des élections législatives, le régime décide de changer, sans aucune nécessité apparente, les cartes d’électeur. Leur délivrance cahoteuse n’a pas encore permis à tous les inscrits sur les listes électorales d’entrer en possession de leur carte d’électeur qui fait désormais office de pièce d’identité. La presse sénégalaise a fait plusieurs fois état de lots de cartes d’électeurs ensevelis ou retrouvés dans des décharges publiques. Dans certains cas, si ce n’est une photo attribuée à une identité qui ne la correspond pas, la même identité s’est retrouvée sur plusieurs cartes d’électeurs. Et dans d’autres, des lieux de vote physiquement inexistants sont inscrits sur des cartes d’électeur. Certains électeurs ont été arbitrairement effacés du fichier électoral ; et pour d’autres, le lieu de vote a été changé sans qu’ils n’en soient auparavant informés. Quand au fichier électoral, le régime le tient en cachette ne permettant pas ainsi à une large frange de l’opposition de pouvoir l’auditer pour attester de l’authenticité et de la véracité de son contenu. A trois jours des élections législatives de 2017, le Conseil Constitutionnel s’arroge le droit de réviser le code électoral du Sénégal et décide de fait que les récépissés d’inscription sur les listes électorales pouvaient valoir de carte d’électeur, ouvrant ainsi la voie à une possibilité de fraude massive.
De tout ce qui précède, sans parler des villes visiblement acquises à l’opposition où l’on a pratiquement pas pu voter le 30 juillet 2017, et d’autres localités où le déroulement du scrutin a été on ne peut plus biscornu, nous pouvons à juste raison douter de la capacité du régime à organiser des élections intègres. Ce, d’autant plus que les irrégularités que dessus persistent toujours et aucune solution ne semble avoir été trouvée pour y remédier.
 
JUSTICE POLITIQUE ? Ensuite, de récentes affaires accréditent l’idée d’une justice au solde du pouvoir qui serait très encline à transir l’opposition. La traque des biens supposés mal acquis, présentée comme une demande sociale, a fini par faire plus de victimes que de coupables. Des vingt cinq personnalités citées par le procureur près la CREI en novembre 2012, quatre seulement ont été poursuivies. Pis, l’avocat d’un des principaux coaccusés est nommé ministre de la justice alors que l’affaire était encore en cours d’instruction. Un avocat de la défense qui devient concomitamment patron de la partie civile, le fait est inédit. Il s’en est suivi en plein procès la défénestration du procureur et la démission d’un assesseur. L’ironie atteint son comble quand, dans la nuit du 24 juin 2016, Karim Wade, condamné le 23 mars 2015, est extrait de prison et précipité hors du territoire sans aucune autre décision de justice et dans des conditions qui nous sont encore tout à fait inconnues.
La journaliste Ouleye Mané, l’activiste Guy Marius Sagna, l’artiste Ami Collé Dieng ; les membres du comité directeur du PDS : Samuel Sarr (ex), Me El hadj Amadou Sall, Toussaint Manga, Oumar Sarr, Bara Gaye, ne sont pas en reste. Ils ont tous été poursuivis soit pour des délits d’opinion, soit sur la base de 80 du code pénal sénégalais, entendez offense faite aux institutions et notamment au Chef de l’Etat. A tort ou à raison, la justice Sénégalaise semble donc de plus en plus servir une cause politique, celle du Chef de l’Etat.
 
VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL. En troisième lieu, le Sénégal a foulé au pied toutes les conventions sous régionales et internationales qu’il a ratifiées. D’abord notre justice refuse d’appliquer les décisions rendues par la cour de justice de la CEDEAO dans les affaires Karim Wade et Khalifa Sall. Puis, elle conteste le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies dont le Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire, en la date du 20 avril 2015, déclare arbitraire la détention de Karim Wade. Comme si cela ne suffisait pas, le Sénégal va plus loin dans la violation du droit international en désavouant une nouvelle fois le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies qui, le 24 octobre 2018, annule tout bonnement l’arrêt de la CREI en intimant à nos autorités judiciaires une procédure de révision effective et substantielle de la déclaration de culpabilité de Karim Wade, conformément aux dispositions du paragraphe 5 de 14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques.
Tout se passe alors comme si, du Droit et de la Justice, le Sénégal n’en a cure. Ces multiples violations du droit international mettent à nu une motivation inavouée d’écarter deux candidats qui auraient pu remporter les prochaines élections présidentielles ou tou…


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