Senejournal - Toute l'actualité du Sénégal
Toute l'actualité du Sénégal

À moitié nue dans son clip, Bibiche, les risques d’un coup d’éclat, de buzz et de massue

À moitié nue dans son clip, Bibiche, les risques d’un coup d’éclat, de buzz et de massue

 
Le clip « Fumu dal baxna » de Bibiche Ndiaye est tout sauf passé inaperçu. Silhouette dénudée, gestuelle suggestive, esthétique clinquante… La jeune chanteuse sénégalaise a choisi la voie du choc, de la rupture et de l’exubérance. Que cache cette explosion visuelle ? Lectures d’un phénomène qui électrise les réseaux.

Pionnière assumée, elle danse depuis dix-huit mois sur le beat. Feu éblouie, elle a récemment allumé une traînée d’étincelles et des déhanchements incongrus et un bref vif sur un univers digital. Robe rose, maquillage criard, perruque électrique, et un bikini qui trouble les certitudes. Par-dessus, une robe rasée en mailles transparente épouse courbes, mouvements, regards de la caméra. Ventre à nu, épaules sans complexe, hanches sculptées, sa tenue ne laisse place à aucune interprétation : tout dans le visuel crie le choc.

Dans sa vidéo « Fumu dal baxna » publiée le 28 juin (il y a donc tout juste une semaine), Bibiche ne cache rien ou presque. Elle est haut à 16 ans d’intervalle entre l’enfant sage des années 2010 et l’image de star libérée par un nouveau coup d’éclat. Flamboyante, affirmée, volontaire et engagée, elle apparaît, vivante, magnifiée, en gestuelle libre, dans un tourbillon de couleurs et de textures, de sons et de symboles. Chaque détail de son accoutrement, chaque plan de mise en scène, chaque regard caméra est soigneusement pensé.

Ce n’est ni un hasard, ni une erreur, c’est un cri visuel. Une volonté de choquer, de s’imposer, de ne pas passer inaperçue. « Fumu dal baxna » n’est donc pas seulement un clip. C’est un pavé dans la mare lancé par la chanteuse.

La vidéo, à peine mise en ligne sur sa chaîne YouTube, a été visionnée des centaines de milliers de fois : plus de 740 000 en 5 jours, elle a explosé en cinq jours 740 000 vues, et plus de 2 500 commentaires. C’est le genre de clip qui fonctionne très bien mais qui crée aussi son contre-effet de choc. C’est cette force qui en crée l’effet de tic. C’est cette force qui produit cette électricité visuelle que les critiques les plus conservateurs s’empressent de juger. En quelques secondes d’image, la chanteuse Bibiche Ndiaye a réussi à se faire détester par une partie du public, admirée et défendue par une autre, et auréolée d’un immense buzz qui la propulse désormais dans une sphère d’hypervisibilité.

Car l’apparence de nudité dans le clip, la suggestion érotique, les mouvements du bassin, les jeux de regard et les tenues transgressives heurtent une société sénégalaise profondément religieuse et conservatrice, cette visibilité esthétique prend dès allures de transgression.

« Si c’était une dépression liée à un deuil, cela se serait senti dans la production »
Pour le journaliste musical expert des industries culturelles et créatives (Icc), Lamine Iba, cette vidéo « est le clip trop vu par excellence ». Ce choix, bien qu’efficace pour créer du buzz, semble aussi une tentative d’exister coûte que coûte. « Si Bibiche avait voulu juste attirer l’attention, elle aurait pu se contenter d’une esthétique forte, mais sans nudité », explique-t-il, tout en analysant l’image. « Elle prend un risque, elle l’assume, mais elle le paiera en notoriété publique », dit-il.

Pour sa part, le sociologue Makhtar Mohamed Traoré, enseignant à l’Université de Thiès, évoque un développement personnel troublé, mais aussi un phénomène qui s’inscrit dans une société où les normes sont en mutation : « La société sénégalaise est profondément religieuse et conservatrice. Bibiche bouscule cette image collective, cette pudeur collective, et conserve cette idée de transgression en assumant toutes les formes de rupture. Braver ces normes peut générer un effet boomerang violent, notamment sur le plan psychique. » Il ajoute que, même si Bibiche est une artiste visiblement consciente, « nous ne pardonnerons pas facilement. La boussole morale n’a pas tardé à parler. »

Avec une émotion palpable et de manière inattendue, Bibiche Ndiaye s’est exprimée publiquement. Fini l’assurance affichée des premiers extraits et l’envie de transgresser : elle reconnaît ses erreurs par la parole. « Mon objectif était de faire réagir. Je me suis mise à nu. Je me suis exposée. Mais après quelques jours, je me suis demandé si cela en valait la peine », a-t-elle confié.

Pour le journaliste musical Lamine Iba, ce type de reconnaissance en dit long sur le positionnement musical confus de l’artiste, beaucoup plus portée vers la notoriété que vers une cohérence de carrière locale, ou d’une construction artistique. « En ce moment, les artistes préfèrent exister un court moment avec un clip viral que construire lentement une carrière solide. C’est le syndrome du buzz : vite vu, vite oublié », résume-t-il.

Et après le buzz ?
Bibiche Ndiaye est désormais à la croisée des chemins. Soit elle capitalise sur ce coup d’éclat, trop bridé. Derrière l’éclat il y a un prix. Son public lui parle, l’interpelle et attend autre chose. Une meilleure offre musicale, une identité plus forte.

Pour la journaliste Aida Coumba Diop, « Bibiche Ndiaye a mis ses tripes, son corps, sa voix et son image sur la table. Elle a eu du buzz, mais risque aussi de perdre pied ». Elle appelle à une relecture bienveillante de son œuvre : « Nous devons écouter les jeunes, les artistes, les femmes. L’indécence n’est pas dans le clip, elle est dans l’interprétation qu’on veut bien lui donner. »

Peut-elle rebondir ? Se réinventer ? Revenir à une image plus “acceptable” ? Se faire oublier le temps que l’ouragan passe ? Ce sont des questions ouvertes, mais Bibiche, elle, a déjà donné la réponse : « Je ne regrette rien. J’assume ce que je suis, et ce que je fais. Même si je dois me brûler, je veux briller. Mais cette fois, je choisirai mieux les formes. »
 


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *